Le Projet Unicorn

En novembre 2015, je postais un billet sur le livre "The Phoenix Project", qui m'avait éclairé sur les idées véhiculées par le mouvement "DevOps". L'histoire suivait Bill Palmer, en charge des opérations, devant assumer la mise en production d'un projet bien mal en point.

En septembre de cette année, Gene Kim revient avec une suite, Le Projet Unicorn. Bien que quelques personnages du premier roman soient repris (Bill, Erik), les liens entre les deux ouvrages sont si faibles que la lecture du Projet Phoenix n'est absolument pas requise. Comme pour le premier livre, il s'agit d'un roman à classer dans la catégorie consacrée au management.

Avec le Projet Unicorn, il est question de 5 principes qui favorisent l'innovation en entreprise et le bien-être au travail. Ces cinq idéaux aideront à sauver Parts Unlimited et nous reconnaissons bien une fin "à l'américaine". Au fil de ce blog post, je liste quelques points qui m'ont particulièrement parlé.

Couverture Le Projet Unicorn, Gene Kim, déc. 2020
Le Projet Unicorn, Gene Kim

 

Le Contexte

18 septembre (p.123) : durant les chapitres et les jours précédents, le projet Phoenix a vécu une mise en production très compliquée. Avant cela, déjà agacés par le manque d'outils et une organisation trop lourde, quelques ingénieurs se rassemblent au sein d'un petit groupe, La Rébellion. En sous-marin, ils lanceront quelques initiatives pour sauver le projet et leur société.

Quelques éléments clés du Projet Unicorn

La Dette Technique

La dette technique (p.127) : ce à quoi on a fera face la prochaine fois qu'on souhaitera apporter un un changement. Le livre mentionne également "la dette de complexité", un concept plus large qui tient également compte des aspects organisationnels, des processus. Au cours de l'histoire, le management prend enfin conscience du problème et ordonne un gel de la création de nouvelles fonctionnalités, au profit du paiement de la dette technique. Chaque groupe se concentre sur le code et les systèmes existants pour les améliorer.

Les 5 idéaux

Dès la page 129, Erik mentionne les 5 idéaux, des principes qui visent à favoriser le bien-être en entreprise et l'innovation qui en découlera.

  1. Localité et simplicité : tout ce qu'on fait doit être simple. La notion de localité renvoie à des systèmes autonomes, pour éviter de trop grandes dépendances (inter-systèmes ou entre groupes). Les développeurs évoquent ici la programmation fonctionnelle, où chaque fonction ne réalise qu'une tâche simple. Les APIs sont vues comme une réduction de la complexité.
     
  2. Le flow et la joie : c'est le ressenti lors du travail quotidien. Est-ce qu'on se tourne les pouces en attendant que les autres nous apportent ce dont on a besoin pour poursuivre le travail ? Est-ce que les conditions qui permettent la concentration, le flow, le dépassement de soi, l'apprentissage, la découverte, la maîtrise du métier, et même... la joie sont réunies ? Pour les développeurs du projet Unicorn, le flow se rapporte au pipeline CI/CD : des tests automatisés, la création automatiques de builds. On évoque les avantages de déploiements en production, plus fréquents, de petits changements mieux maîtrisés.
     
  3. Amélioration du travail quotidien : dans le livre, Erik cite l'exemple de TOYOTA, qui place l'amélioration du travail quotidien au-dessus du travail quotidien lui-même. Réduire la dette technique (ou dette de complexité) permet de lever les obstacles et fluidifie les activités, jour après jour.
     
  4. Sécurité psychologique : il faut pouvoir parler des problèmes rencontrés sans craindre des répercussions. Pour résoudre des problèmes, il faut une prévention, ce qui demande de la franchise et une absence de crainte.
     
  5. Approche centrée sur le client : Il faut sans cesse se demander si tel ou tel élément est important pour le client. Peut-on le vendre ou est-il limité à un silo fonctionnel ?

Réorganisation, licenciements et externalisation

Chez Parts Unlimited, des projets importants doivent être lancés pour retrouver la croissance. Il faut innover et penser à la suite du projet Phoenix. Evidemment, Parts Unlimited doit se réorganiser, réduire la masse salariale, optimiser sa structure. Nous observons la séance de direction, chacun des cadres devant établir sa liste des employés à licencier (les indispensables, les utiles, les indésirables).

Erik intervient encore : - "Demandez-vous dans quelle mesure ces suppressions de postes vont perturber les flux décisionnels, notamment dans les cas où les décisions ne respectent pas le premier idéal de localité". Il songe ici aux bureaux de coordinateurs, qui ajoutent de l'huile dans les rouages de l'organisation déficiente de Parts Unlimited.

Erik évoque alors une approche intéressante: celle du Coeur et du Contexte.

  • Le Coeur : tâches/rôles utiles au développement actif d'un avantage compétitif. Essentiel pour l'avenir.
     
  • Le Contexte : important, voire critique, mais qui doit néanmoins être standardisé, réduit, voire externalisé.

Erik explique : "Il faut garder ce qui n'est "pas assez bien" en interne pour l'améliorer et externaliser ce qui est "largement assez bien", disponible ailleurs".

Bel exemple d'externalisation : la fourniture d'électricité.

La p.326 évoque: "Il y'a 100 ans, la plupart des grandes usines avaient un directeur de l'électricité, qui était responsable des processus de génération électrique. C'était l'un des postes les plus importants : sans électricité, pas de production. Cette activité relevait du COEUR de l'activité de l'usine. Mais ce poste a complétement disparu, car l'électricité est devenue une infrastructure qu'on achète à un fournisseur. On peut même choisir entre différents fournisseurs, en fonction des prix qu'ils proposent. La production électrique en interne constitue rarement un avantage compétitif, ce qui veut dire qu'elle fait maintenant partie du CONTEXTE, et non du COEUR."

Quelques citations à conserver

  • ... un projet pastèque : vert dehors, mais rouge à l'intérieur !
     
  • Au sujet de vieilles applications : elles sont comme des déchets radioactifs. Au lieu de les protéger, il faut les éliminer !

Au final ?

Si vous avez lu le premier livre, vous ne serez pas surpris par la forme et la façon dont ces points sont présentés par l'auteur. Le livre est intéressant, parfois drôle et évoque inévitablement des situations vécues, pour aurant qu'on ait travaillé au sein d'une structure imposante, complexe, trop lourde. Les 5 idéaux sont bien expliqués et repris au fil de l'histoire, si bien qu'on assiste à une démonstration par l'exemple. Evidemment, on reste dans le cadre d'un roman ! La liste des références et ressources est encore une fois bien fournie et l'auteur renvoie à des dizaines de conférences disponibles sur YouTube.

L'exemple du "Directeur de l'électricité" m'évoque la tendance du Cloud Computing, principale activité de mon employeur actuel, Exoscale. Aujourd'hui, les infrastructures de virtualisation ne sont déjà plus un avantage compétitif et largement assez bonnes pour envisager l'externalisation. Alors, les entreprises pourront se concentrer sur le coeur, ce qui leur donne un avantage réél, leurs applications.

4ème de couverture

Maxine, lead developer et architecte logicielle, est mise au placard et affectée au «Projet Phoenix» à la suite d’une défaillance technique dans le système de paie de la compagnie Parts Unlimited. Alors qu’elle se débat dans une organisation bureaucratique et déshumanisée, elle est approchée par la Rébellion, un petit groupe de développeurs qui œuvrent pour renverser l’ordre établi.

Leur objectif: redonner le goût du travail aux collaborateurs et sa capacité d’innover à l’entreprise afin que celle-ci puisse survivre et prospérer dans un environnement économique aussi incertain que concurrentiel. Presque malgré elle, Maxine va se retrouver toujours plus impliquée dans ce mouvement jusqu’à en devenir l’une des leaders et la cible d’ennemis internes déterminés.

Drôle et passionnant, ce roman orienté management utilise la fiction pour dénoncer les travers d’une gestion d’entreprise trop verticalisée et les freins qui en résultent. Ce faisant, il expose les principes organisationnels susceptibles d’améliorer la productivité de toute entreprise et les cinq «Idéaux» d’un environnement épanouissant, propice à la créativité et à la performance. Ce bestseller mondial salué par les lecteurs et la critique s’adresse aussi bien aux personnes impliquées dans les IT qu’à tous les cadres en entreprise, quel que soit leur domaine d’activité.

Quelques liens:

 

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